8 février 2022

Quand créer nous aide à surmonter l'insurmontable


L'art des premiers humains

L'émerveillement que l'on peut ressentir face aux peintures rupestres de la grotte de Lascaux nous met face à l'essence  brute de ce que représente pour nous, humains, l'acte créatif.  Représenter le monde qui nous entoure c'est une manière à la fois de s'en détacher s'il devient trop hostile, et en même temps de s'en rapprocher, de se le réapproprier. Digéré par notre subjectivité et recréé par notre savoir-faire, notre vécu devient beaucoup moins étranger à nous-même. 
Ainsi les premiers humains ont-il certainement trouvé avec les éléments qui les entouraient, un moyen de faire sortir d'eux-mêmes ce qui les avait marqués au plus profond de leur mémoire pour en faire quelque chose de plus familier, de plus compréhensible. 

Ainsi le rôle premier de l'art n'est-il pas forcément de créer de la beauté, même s'il arrive qu'elle en découle. De tous temps les peuples l'ont employé pour se  familiariser avec  leur temps, leur histoire, avec tout le lot de souffrances, d'injustices, de tristesse, de colère et de hontes qui en faisaient partie.  Que l'art propose une interprétation embellie du quotidien ou qu'il permette de s'échapper du réel, il est toujours en lien avec le vécu émotionnel auquel il apporte une réponse. 

La créativité face à la souffrance

Chacun d'entre nous est amené un jour ou l'autre de sa vie à vivre des choses insupportables ou incompréhensibles. Le degré de souffrance vécu  et le ressenti est propre à chaque être, mais le sentiment d'impuissance est commun à l'entièreté de l'humanité. C'est à ce moment que l'art prend sens en apportant un regard nouveau sur ce qui semblait impossible à surmonter.  

Créer n'est pas une  spécificité  humaine, quand on voit la diversité des formes et les couleurs présentes dans la nature, on peut imaginer qu'avec l'habileté technique dont disposait Homo Sapiens, il a eu l'embarras du choix  en ce qui concerne  les sources d'inspiration  présentes autour de lui. Faire preuve de créativité permet aux espèces de s'adapter et de survivre aux multiples dangers extérieurs, et nous permet aussi en tant qu'espèce d'évoluer face aux défis que nous rencontrons. Hier les prédateurs, les ennemis,  l'horreur perpétrée par les humains entre eux, aujourd'hui  encore les injustices, le virus qui nous remet face à nos fragilités. 

Nos parcours de vie sont constellés de ces moments de fragilité où nous avons dû faire appel à notre créativité. Ce faisant nous avons recréé notre histoire, recollé les morceaux et fait de notre vie notre œuvre personnelle.

Donner du sens à l'insensé ( toute modération gardée), est aussi un moyen de renouer avec  la joie, moteur de notre vie qui nous permet tout simplement de continuer la route. 

Aline France, Art-thérapeute, La Ferté Bernard


16 février 2022

Les vertus du modelage à l'argile en art-thérapie

Ce qui nous fait du bien lorsque nous mettons les mains dans la terre, c'est de retrouver le contact et la sensation du toucher. Ce sens du toucher, qui n'est pas mis en avant dans notre mode de vie, nous permet d'avoir une perception sensorielle différente du monde extérieur. Modeler l'argile, c'est retrouver son énergie corporelle, la chaleur que dégagent nos mains, l'énergie et la force que l'on a pour construire et réaliser des choses dans le monde matériel. 


Modeler, c'est apprendre à présager nos forces, à voir quelles sont nos limites. Ce que pense la tête et ce que font les mains n'est pas toujours en harmonie, comment les réconcilier? 

Une étape après l'autre, on construit, on bâtit, on peut aussi détruire, recréer, lisser, réparer, réutiliser.  On peut consolider, où rendre plus fin, plus léger. Rien de ce que nous faisons n'est immuable et c'est ce que nous apprenons grâce à l'argile. Construire, sculpter demande de la patience et du courage, car si l'on voit grand, il faut se donner les moyens de réussir! 

Le modelage peut faire écho au bâtisseur qui sommeille en vous, ou tout simplement à l'enfant qui s'amuse en jouant à la pâte à modeler. Quoi qu'il en soit, mettre les mains dans l'argile apaise le stress et l'agitation du mental et met en lumière la joie de la réalisation créative.  Alors, on y va? 

Aline France, art-thérapeute, La Ferté Bernard

1er mars 2022

L'art-thérapie face au deuil


Au delà des mots

Le deuil est une épreuve intime, difficile a expliquer et à partager avec des mots, c'est pourquoi il est difficile pour l'entourage d'une personne en deuil de trouver quoi dire en pareille circonstances. Les mots ne sont pas assez forts pour montrer son soutien, pour que la personne se sente entourée. Bien souvent, par peur de la maladresse, on n'ose pas aller vers elle et elle se retrouve seule face à sa souffrance. 

Lorsque l'on est endeuillé(e) beaucoup de choses se bousculent à l'intérieur, les fondations sur lesquelles reposaient notre attachement pour l'autre s'effondrent et nous laissent démuni(e). Il est donc courant que lors d'un deuil, certaines choses restent inexprimées car impensables. On se coupe de ses émotions, on se réfugie dans l'action pour éviter d'être submergé par les émotions. On se sent fragile et on ne veut pas succomber.  Un combat se mène à l'intérieur pour faire face, avancer avec la douleur, et ce combat est un combat contre nos émotions. Une partie de nous essaie de rationnaliser, de minimiser, ou de trouver du sens et de nouveaux points d'appui pour continuer le chemin seul(e). Ce processus est tout à fait nécessaire pour éviter de faire face de manière trop brutale a une réalité choquante.  Une réalité qui entraine des émotions que l'on a du mal à accepter: terreur, tristesse, haine, obscurité, souffrance. 

Petit à petit, avec le temps, les sensations s'estompent, la vie reprend son cours. Pour certain(e)s, la blessure ne se referme jamais vraiment et la souffrance reste, comme un lien que l'on garde avec l'autre. La vie devient une coquille vide ou le manque est omniprésent. Pour d'autres, qui trouvent de nouveaux points d'appui et de nouvelles attaches, vivre du mieux qu'ils ou elles peuvent devient une façon de rendre hommage. 
Dans tous les cas, il arrive que les émotions qui n'ont pas pu être exprimées au moment du choc reviennent de manière détournées et inconscientes.

Dans un suivi d'art-thérapie

Lors des suivis d'art-thérapie, il arrive régulièrement que l'inconscient fasse ressortir à travers les créations artistiques ces liens avec les défunts, les personnes disparues, ces deuils qui ont été faits où qui restent à faire.  Les émotions restent présentes, mais de manière estompées grâce à l'expression artistique qui permet  à la fois de rendre hommage à l'autre, d'exprimer la colère, la tristesse et la peur, de reconnaître la présence du disparu dans sa vie sans se sentir envahi(e). 
Pour certaines personnes,  la représentation  grâce à l'argile du corps du défunt, le cadavre, pour ensuite le détruire et le remettre dans la terre permet une meilleure intégration de la réalité du processus de la mort, et une compréhension intime de la transformation qu'elle implique.  Pour d'autres il peut s'agir de la représentation d'une transformation, d'une cérémonie, d'un hommage à l'autre. 
L'art a souvent eu un  rôle important lors des cérémonies mortuaires. L'utilisation des fleurs, les hommages sur les plaques, les textes, la musique , les statues à l'effigie des défunts. L'art permet d'appréhender cette réalité qui nous dépasse et de construire un lien autre que celui qui existait du vivant de la personne. 

Il est difficile d'expliquer avec des mots ce qui se joue lorsqu'une personne utilise l'art-thérapie pour surmonter un deuil, parfois même l'art-thérapeute ne le comprend pas. Il/elle est là pour accompagner et se faire passeur des transformations qui se jouent à l'intérieur de son/sa patiente. Cela a été en tous cas pour de nombreux(ses) patient(e)s que j'ai accompagné(e)s, une nécessité pour continuer le chemin avec plus de légèreté. 

Aline France, art-thérapeute, La Ferté Bernard

25 mars 2022

Art-thérapie et confiance en soi

L'essence de la vie


L'opinion publique est partagée en ce qui concerne la pratique des activités artistiques. Certains considèrent qu'il est très important de les encourager, d'autres qu'elles ne servent à rien.  Nous l'avons bien vu lors de la crise Covid, où les activités culturelles étaient affublées du qualificatif de "non-essentiel", qui en soi n'est pas faux car  on peut très bien survivre sans art, alors que sans soins ni nourriture, c'est beaucoup plus difficile. Nous avons donc "survécu" sans rassemblements artistiques, mais en réalité la plupart d'entre nous a continué à exprimer son talent artistique ou sa créativité d'une manière ou d'une autre. Cuisiner avec talent, jouer de la musique sur son balcon, écrire, refaire la déco de sa maison, jardiner avec passion, faire des maquettes, jouer à des jeux, lire, regarder des films, faire ou regarder des vidéos. Sans cela, notre vie aurait perdu toute saveur et toute essence, et oui, nous aurions SURvécu, mais nous n'aurions plus  enVIE de vivre. 
 

Exprimer son talent 


 L'expression d'un talent et la créativité sont donc nécessaires à notre équilibre intérieur, et nous permettent d'aller puiser en nous des ressources qui sont un moteur pour avancer dans la vie. Tout comme nous maltraitons la terre en allant puiser dans ses ressources sans lui permettre de se régénérer, nous avons fait de même avec nos vies. Travailler sans relâche, être une mère/un père parfait, être capable de tout endurer, avoir une capacité d'anticipation infinie...La pression se ressent dans tous les domaines de la vie. Reconnaître ses propres talents, faire une activité qui nous fait plaisir nous permet de retrouver la joie simple d'être là, dans l'instant présent, et d'exprimer qui l'on est sans attendre de résultat. 

S'aimer comme on est 


La confiance en soi, ce n'est pas seulement d'être capable de dépasser ses limites, c'est aussi d'être capable de s'aimer comme on est, avec toutes nos singularités. Se dire: "Je suis peut-être bizarre, trop impulsif(ve), fainéant, pas conciliant(e), buté(e), pas doué(e), trop faible, mais je suis moi-même, et quand je chante, quand je peins, quand je joue la comédie....; je me sens bien, je me fais plaisir! Je peux aussi faire rire les autres, les émerveiller, leur faire des cadeaux, les transporter, les impressionner..."

Chacun d'entre nous a un talent différent de celui du voisin. Le reconnaître et l'exprimer, c'est faire un pas immense, un pacte de confiance envers soi-même. C'est un choix fort que nul ne peut faire à votre place. Lorsque vous choisissez de laisser le talent qu'il y a en vous s'exprimer, avec bienveillance, indulgence, patience et courage, alors vous vous donnez à vous même un message très fort, vous vous prenez par la main et acceptez d'être votre meilleur(e) amie. 

Ne tournez pas le dos à votre talent! Lancez-vous, pas à pas, et ne laissez personne décourager cette flamme qu'il y a en vous!

Aline France, art-thérapeute, La Ferté Bernard


23 avril 2022

Etre créateur/trice de sa vie

Créer son quotidien

Dans mon cabinet d'art-thérapie, je reçois des personnes qui ont décidé de s'offrir une vie qui leur ressemble vraiment. Parfois en souffrance dans un quotidien oppressant, ou en quête de plus d'authenticité, elles/ils  ont pour objectif de reprendre goût à leur créativité pour laisser s'exprimer leur enfant intérieur. Cet enfant intérieur sait ce dont il a besoin et ce qu'il aime: courir pieds nus dans le jardin, faire "patouille" dans la terre, préparer de bons petits plats, faire le "zouave" pour amuser la galerie. 
En laissant entrer la créativité dans leur quotidien, ces personnes vont à l'encontre de tout ce qui, au quotidien, les maintient dans un environnement et des habitudes néfastes.


Mettre du beau dans sa vie

Investir son lieu de vie et ses habitudes pour les améliorer et les rendre agréables, c'est  faire de soi-même une quantité non-négligeable. Quelles sont vos valeurs? Vos compétences? Vos talents? Vos rêves? Comment faire pour ne pas les laisser inexploités? Posez-vous toutes ces questions car elles comptent. Faites de la place dans votre emploi du temps, dans votre logement pour pratiquer ces talents. Fixez vous un cadre, une routine. Soyez réaliste, vous avez d'autres impératifs bien entendu, mais si vous parvenez à dégager une demi-heure par jour, ou une soirée par semaine pour votre créativité, c'est déjà une vraie victoire à savourer. 

Etre à l'écoute de soi

Vous avez peut-être une image rêvée ou fantasmée du (de la) grand(e) artiste que vous êtes frustré(e) de ne pas être devenu(e), mettez cette image à la poubelle et repartez de zéro, de là où vous en êtes. Si vous sortez d'une dépression, il est tout à fait normal que vous motiver à créer vous soit difficile , si vous êtes à la fois mère et cheff(e) d'entreprise, il  est logique que vous ayez beaucoup de mal à  vous dégager  du temps:  soyez indulgent(e) envers vous-même! Et surtout partez de ce dont vous avez vraiment besoin et envie, pas de ce qui a l'air beau vu de l'extérieur.  L'essentiel est que cette créativité vous apporte du bien-être, et surtout pas qu'elle vous rajoute un surplus de pression! Trouvez la technique qui vous permet de vous épanouir pas à pas, qui vous met en confiance et révèle votre propre talent (qui est toujours différent de celui du voisin/de la voisine). 

Espace intérieur/espace extérieur

La créativité est une question de dosage et d'équilibre. En apprenant à vous connaître, vous allez être en mesure de savoir ce que vous avez envie de montrer ou non aux autres, les moments où vous aurez envie d'être dans votre bulle, les moments où vous aurez envie de partager...Il arrive qu'une passion créative devienne dévorante au point de vous consumer, apprenez à déceler les déséquilibres , ne perdez pas le lien avec votre entourage! Partagez ce qui vous fait plaisir, gardez pour vous ce qui vous est intime. 

Je vous souhaite un beau parcours pour devenir créateur/trice de votre vie!

Aline France, art-thérapeute, La Ferté Bernard

14 juin 2022

La créativité se partage


La relation au groupe: s'ouvrir ou se refermer

Cela fait maintenant neuf mois que j'ai lancé mon activité d'art-thérapeute,  et la période des vacances scolaires approche, l'occasion de faire un premier bilan des ateliers proposés dans l'année...
De ce bilan émerge une réflexion  personnelle sur le sens de mon activité.  Je me rends compte des enjeux qu'implique la pratique créative en groupe.  
Nous, la communauté des humains, avons été particulièrement touchés et fragilisés ces dernières années  avec la crise sanitaire, dans notre relation au groupe.  De profonds changements ont opéré, qui ont transformé les liens qui nous unissent. Nous avons pris conscience de notre interdépendance , pour le pire comme pour le meilleur. 
Sans pour autant perdre notre individualité, nous avons maintenant la certitude que nous ne pouvons pas rester isolés. 
Dans mes ateliers, j'ai pu voir des personnes s'ouvrir ou se refermer, comme les fleurs qui cherchent le soleil sans forcément le trouver.  
Qu'apporte la présence au groupe dans un parcours art-thérapeutique? 

Créer seul/ créer en groupe

Beaucoup de personnes créatives sont des introverti(e)s, qui ont besoin de leur espace de solitude pour créer. J'en sais quelque chose puisque je fais partie de ces personnes. Une trop grande sensibilité fait de nous des gens qui ne peuvent pas supporter le trop-plein d'informations que nous envoie la présence des autres dans le groupe. La sensation d'être emprisonné(e) dans la relation à l'autre peut vite se ressentir. D'où la nécessité d'une approche nuancée dans l'animation des ateliers  créatifs de groupe.  En groupe, tous nos vécus difficiles, nos fragilités sont exacerbés. L'esprit de groupe est-il bienveillant? C'est une question cruciale pour l'art-thérapeute. 
Il suffit d'un point de vue positif émanant d'une personne entrainante pour apporter une dynamique positive, mais l'inverse est aussi possible. Comment appuyer sur les forces et soutenir les faiblesses de chacun? Dans un groupe on peut autant se sentir enfoncé que porté...
Cependant même si l'enjeu est difficile, créer en groupe dans les bonnes conditions et avec les bonnes personnes peut permettre à chaque individu de faire de grands bonds en avant. 

La force du groupe

La force du groupe lorsqu'elle est bien utilisée, c'est d'être un "catalyseur", c'est à dire d'amplifier l'énergie de chaque personne pour en faire une "émulsion" nouvelle et inattendue. Il s'agit lorsqu'on se sent bien entouré(e), d'être prêt(e) à se laisser surprendre ! La création en elle-même étant déjà un catalyseur de notre énergie personnelle, imaginez ce que ça peut produire lorsqu'on la met en commun dans un groupe! Dans mon parcours  déjà conséquent d'animatrice d'ateliers de groupe,  et dans mon activité récente d'art-thérapeute, j'ai pu déjà assister à de très belles surprises, voire même de petits "miracles" (sans la connotation religieuse du terme, mais en tant que vécu intérieur très intense!). 
Le jeu en vaut la chandelle. 

Pas à pas, je développe dans ma pratique art-thérapeutique la volonté de construire des espaces de bienveillance qui peuvent permettre cette émulsion de groupe, voire même devenir catalyseurs pour certaines personnes/ ou le groupe entier. 

A suivre....
Aline France, Art-thérapeute, La Ferté Bernard